Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/616

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cats et blancs, dans un bruit confus de rires et d’exclamations joyeuses.

« Le grand portail menait dans une salle relativement vaste, tendue d’étoffes sombres. Le plafond était dans l’obscurité et les fenêtres, garnies en partie de vitraux de couleur, laissaient pénétrer une lumière tempérée. Le sol était formé de grands blocs d’un métal très blanc et dur — ni plaques, ni dalles, — mais des blocs, — et il était si usé, par les pas, pensai-je, d’innombrables générations, que les passages les plus fréquentés étaient profondément creusés. Perpendiculaires à la longueur étaient une multitude de tables de pierre polie, élevées peut-être d’un pied au-dessus du sol, sur lesquelles s’entassaient des fruits. J’en reconnus quelques-uns comme des espèces de framboises et d’oranges hypertrophiées, mais la plupart me paraissaient étranges.

« Entre les tables, les passages étaient jonchés de coussins sur lesquels s’assirent mes conducteurs en me faisant signe d’en faire autant. Avec une agréable absence de cérémonie, ils commencèrent à manger les fruits avec leurs mains et jetant les pelures, les queues et tous leurs restes dans des ouvertures rondes pratiquées sur les côtés des tables. Je ne fus pas long à suivre leur exemple, car j’avais faim et soif ; et en mangeant je pus à loisir examiner la salle.

« La chose qui peut-être me frappa le plus fut son aspect de délabrement. Les vitraux, représentant des dessins d’un caractère géométrique, étaient brisés en maints endroits ; les rideaux qui cachaient l’extrémité inférieure de la salle étaient couverts de poussière, et je vis aussi que le coin de la table de marbre sur laquelle je mangeais était cassé. Néanmoins, l’effet général restait extrêmement riche et pittoresque. Il y avait environ deux cents de ces êtres dînant dans la salle et la plupart