Aller au contenu

Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/620

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’existaient plus. Ici et là, dans la verdure, des sortes de palais s’élevaient, mais la maison isolée, et le cottage, qui donnent une physionomie si caractéristique au paysage anglais, avaient disparu.

« C’est le communisme, me dis-je.

« Et sur les talons de celle-là vint une autre pensée. J’examinai la demi-douzaine de petits êtres qui me suivaient. Alors, par une soudaine révélation, je m’aperçus que tous avaient la même forme de costume, le même visage imberbe au teint délicat, et la même mollesse des membres, comme de grandes fillettes. Il peut sans doute vous paraître étrange que je ne l’eusse pas encore remarqué. Mais tout était si étrange. Pour le costume, et les différences de tissus et de coupe, pour l’aspect et la démarche, qui de nos jours distinguent les sexes, ces humains du futur étaient identiques. Et à mes yeux les enfants semblaient n’être que les miniatures de leurs parents. J’en conclus que les enfants de ce temps étaient extrêmement précoces, physiquement du moins, et je pus par la suite vérifier abondamment cette opinion.

« L’aisance et la sécurité dans lesquelles ces gens vivaient me faisaient admettre que cette étroite ressemblance des sexes était après tout ce à quoi l’on devait s’attendre, car la force de l’homme et la faiblesse de la femme, l’institution de la famille et les différenciations des occupations sont les simples nécessités militantes d’un âge de force physique. Là où la population est abondante et équilibrée, de nombreuses naissances sont pour l’État un mal plutôt qu’un bien : là où la violence est rare et où la propagation de l’espèce ne compromet rien, il y a moins de nécessité — réellement il n’y a aucune nécessité — d’une famille effective, et la spécialisation des sexes, par rapport aux besoins des enfants, disparaît, Nous en trouvons actuellement des indices, et dans cet âge futur c’était