Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/632

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faire entendre que je désirais l’ouvrir. Mais dès mes premiers gestes, elles se comportèrent d’une très singulière façon, je ne sais comment vous rendre leur expression. Supposez que vous fassiez à une dame respectable des gestes grossiers et malséants — elles avaient l’air qu’elle aurait pris. Elles s’éloignèrent comme si elles avaient reçu les pires injures. J’essayai ensuite l’effet de ma mimique sur un petit bonhomme vêtu de blanc et à l’air très doux ; le résultat fut exactement le même. D’une façon, son attitude me rendit tout honteux. Mais vous comprenez, je voulais retrouver la Machine, et je recommençai ; quand je le vis tourner les talons comme les autres, ma mauvaise humeur eut le dessus. En trois enjambées, je l’eus rejoint, attrapé par la partie flottante de son vêtement, autour du cou, et je le traînai du côté du sphinx. Mais sa figure avait une telle expression d’horreur et de répugnance que je le lâchai.

« Cependant je ne voulais pas encore m’avouer battu ; je heurtai de mes poings les panneaux de bronze. Je crus entendre quelque agitation à l’intérieur — pour être plus clair, je crus distinguer des rires étouffés — mais je dus me tromper. Alors j’allai chercher au fleuve un gros caillou et me remis à marteler un panneau, jusqu’à ce que j’eusse aplati le relief d’une décoration et que le vert de gris fut tombé par plaques poussiéreuses. Les fragiles petits êtres durent m’entendre frapper à violentes reprises, jusqu’à au moins un mille de là ; mais ils ne se dérangèrent pas. Je pouvais les voir par groupes sur les pentes, jetant de mon côté des regards furtifs. Enfin, essoufflé et fatigué, je m’assis pour surveiller la place. Mais j’étais trop agité pour rester longtemps tranquille. Je suis trop occidental pour une longue faction. Je pourrais travailler au même problème pendant des années, mais rester inactif vingt-quatre heures — c’est une autre affaire.