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Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/642

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« Enfin, par un matin très chaud, — le quatrième, je crois, — comme je cherchais à m’abriter de la chaleur et de la forte lumière dans quelque ruine colossale, auprès du grand édifice où je mangeais et dormais, il arriva cette chose étrange : grimpant parmi ces amas de maçonnerie, je découvris une étroite galerie, dont l’extrémité et les ouvertures latérales étaient obstruées par des monceaux de pierres éboulées. À cause du contraste de la lumière éblouissante du dehors, elle me parut tout d’abord impénétrablement obscure. J’y pénétrai en tâtonnant, car le brusque passage de la clarté à l’obscurité faisait voltiger devant mes yeux des taches de couleur. Tout à coup, je m’arrêtai stupéfait. Une paire d’yeux, lumineux à cause de la réflexion de la lumière extérieure, m’observait dans les ténèbres.

« La vieille et instinctive terreur des bêtes sauvages me revint. Je serrai les poings et fixai fermement les yeux étincelants. Puis, la pensée de l’absolue sécurité dans laquelle l’humanité paraissait vivre me revint à l’esprit, et je me remémorai aussi son étrange effroi de l’obscurité. Surmontant jusqu’à un certain point mon appréhension, j’avoue que ma voix était dure et mal assurée. J’étendis la main et touchai quelque chose de doux. Immédiatement les yeux se détournèrent et quelque chose de blanc s’enfuit en me frôlant. Je me retournai, la gorge sèche, et vis traverser en courant l’espace éclairé une petite forme bizarre, rappelant le singe, la tête renversée en arrière d’une façon assez drôle. Elle se heurta contre un bloc de granit, chancela, et disparut bientôt dans l’ombre épaisse que faisait un monceau de maçonnerie en ruine.

« L’impression que j’eus de cet être fut naturellement imparfaite ; mais je pus remarquer qu’il était d’un blanc terne et avait de grands yeux