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Page:Mercure de France - 1898 - Tome 28.djvu/858

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Henri de Régnier : Premiers Poèmes ; Francis Vielé-Griffin : Phocas le Jardinier : Emile Verhaeren : Poèmes, IIIme série ; trois volumes de Frédéric Nietzsche ; Le Livre de la Jungle, de Rudyard Kipling ; les Portraits Imaginaires de Walter Patér ; le Sartor Resartus de Thomas Carlyle, etc.

§

Une lettre de M. Gabriel Randon.

20 Novembre 1898. 

 Mon cher Vallette,


J’apprends qu’un monsieur vient de publier un volume de vers fâcheux, titré Soliloques. La couverture porte ce titre en lettres énormes, et le nom de l’auteur est, en revanche, à peine visible.

Incontestablement ; il y a là, de la part de l’auteur ou de l’éditeur, peut-être de tous les deux, un procédé que je laisse à l’appréciation des honnêtes gens. — C’est un genre de contrefaçon que la Loi n’atteint peut-être pas, mais qui n’en est pas moins déloyal. — Et je viens protester auprès de vous.

Je ne prétends certes pas avoir le monopole du mot « Soliloque », mais en généralisant cette manière… d’emprunt, on pourrait publier des volumes avec des à peu près de titres d’œuvres connues et consacrées. L’auteur nous réserve sans doute des surprises de ce genre : Mademoiselle Bovary ; Le Jasmin de l’infante ; L'Aphrodite de l’Orme du Mail ; Couronne d'Astarté ; Il y a là des crics ; Le Trésor des Jungles ; Malades françaises ; L’Infâme de Pantin ; Gourdes vers le Fleuve ; Les Lords nature ; Le Lapin mystique ; Les Cheveux d'Anadiomède ; La Femme qui a cousu l'Empereur ; La Chambrière de l'Ane mort ; Le Heurt Sexuel ; Troènes, Ire série ; Chevaleries Continentales ; Le Livres des Frasques, portraits symbolistes ; Les Jolies Loques du Pauvre ; Le Carme de Jaspe ; La Cherté de Vie ; Praline ou la Liberté de l'Humour ; Les Fours et les Puits, roman d’un déserteur ; Les Chaussons de Bilitis ; Le Sang des Corpuscules ; Les Nuits d’Épi-Fanny ; Le Calibre de Partage ; In-Fourneau ; etc., etc. Que sais-je encore ?

Je termine en vous priant de faire connaître que Jehan Rictus, - qui n’est autre que le signataire de la présente lettre — n’a rien de commun avec l’auteur du volume qui la motive, comme d’imprudents lecteurs l’ont cru.

Ainsi que dirait l’auteur des Soliloques du Pauvre : « Ce monsieur a vraiment du culot ».

Poignée de mains, 
Gabriel Randon
50, rue Lepic.
Mercvre.