Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/123

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rapidement prendre une décision. Je résolus d’allumer un feu et de camper où nous étions. J’adossai Weena, toujours inanimée, contre un tronc moussu, et en toute hâte, avant que mon premier morceau de camphre ne s’éteignît, je me mis à rassembler des brindilles et des feuilles sèches. Ici et là, dans les ténèbres, les yeux des Morlocks étincelaient comme des escarboucles.

« La flamme du camphre vacilla et s’éteignit. Je craquai une allumette et aussitôt deux formes blêmes, qui dans le court intervalle d’obscurité s’étaient approchées de Weena, s’enfuirent, et l’une d’elles fut tellement aveuglée par la lueur soudaine qu’elle vint droit à moi, et je sentis ses os se broyer sous le coup de poing que je lui assénai ; elle poussa un cri de terreur, chancela un moment et s’abattit. J’enflammai un autre morceau de camphre et continuai de rassembler mon bûcher. Soudain je remarquai combien sec était le feuillage au-dessus de moi, car depuis mon arrivée sur la Machine, l’espace d’une semaine, il n’était pas tombé une goutte de pluie. Aussi, au lieu de chercher entre les arbres des brindilles tombées, je me mis à atteindre et à briser des branches. J’eus bientôt un feu de bois vert et de branches sèches qui répandait une fumée suffocante, mais qui me permettait d’économiser mon camphre. Alors je m’occupai de Weena toujours étendue auprès de ma massue de fer. Je fis tout ce que je pus pour la ranimer, mais elle était comme morte. Je ne pus même me rendre compte si elle respirait ou non.

« La fumée maintenant s’abattait dans ma direction et, engourdi par son âcre odeur, je dus m’assoupir tout d’un coup. De plus, il y avait encore dans