Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/146

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nous souhaitant bonne nuit.

Je pris un cab avec le Rédacteur en Chef qui jugea l’histoire une superbe invention. Pour ma propre part, il m’était impossible d’arriver à une conclusion. Le récit était si fantastique et si incroyable, la façon de le dire si convaincante et si grave ! Je restai éveillé une partie de la nuit, ne cessant d’y penser. Je décidai de retourner le lendemain voir notre voyageur. Lorsque j’arrivai, on me dit qu’il était dans son laboratoire, et, comme je connaissais les aîtres de la maison, j’allai le trouver. Le laboratoire cependant était vide. J’examinai un moment la Machine et de la main je touchai à peine le levier ; aussitôt cette masse d’aspect solide et trapu s’agita comme un rameau secoué par le vent. Son instabilité me surprit extrêmement et j’eus le singulier souvenir des jours de mon enfance, quand on me défendait de toucher à tout. Je retournai par le corridor. Je rencontrai mon ami dans le fumoir. Il sortait de sa chambre. Sous un bras il avait un petit appareil photographique et sous l’autre un petit sac de voyage. En m’apercevant, il se mit à rire et me tendit son coude en guise de poignée de mains.

— Je suis, dit-il, extrêmement occupé avec cette Machine.

— Mais n’est-ce donc pas quelque mystification ? dis-je ; parcourez-vous vraiment les âges ?

— Oui, réellement et véritablement.

Il me fixa franchement dans les yeux. Soudain, il hésita. Ses regards errèrent par la pièce.

— J’ai besoin d’une demi-heure seulement, dit-il ; je sais pourquoi vous êtes venu, et c’est gentil à vous. Voici quelques revues. Si vous voulez res-