Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/97

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fumer — parfois le tabac me manquait terriblement — et je n’avais même pas suffisamment d’allumettes. Si j’avais seulement pensé à un appareil photographique pour prendre un instantané de ce Monde Souterrain, afin de pouvoir l’examiner plus tard à loisir ! Mais quoi qu’il en soit, j’étais là avec les seules armes et les seules ressources dont m’a doué la nature — des mains, des pieds et des dents ; plus, quatre allumettes suédoises qui me restaient encore.

« Je redoutais de m’aventurer dans les ténèbres au milieu de toutes ces machines et ce ne fut qu’avec mon dernier éclair de lumière que je découvris que ma provision d’allumettes s’épuisait. Il ne m’était jamais venu à l’idée, avant ce moment, qu’il y eût quelque nécessité de les économiser, et j’avais gaspillé presque la moitié de la boîte à étonner les Eloïs, pour lesquels le feu était une nouveauté. Il ne m’en restait donc plus que quatre. Pendant que je demeurais là dans l’obscurité, une main toucha la mienne, des doigts flasques me palpèrent la figure et je perçus une odeur particulièrement désagréable. Je m’imaginai entendre autour de moi les souffles d’une multitude de ces petits êtres. Je sentis des doigts essayer de s’emparer doucement de la boîte d’allumettes que j’avais à la main, et d’autres derrière moi qui tiraient mes habits. Il m’était indiciblement désagréable de deviner ces créatures que je ne voyais pas et qui m’examinaient. L’idée soudaine de mon ignorance de leurs manières de penser et de faire me vint vivement à l’esprit dans ces ténèbres. Je me mis, aussi fort que je pus, à pousser de grands cris. Ils s’écartèrent vivement ; puis je les sentis