paraison inférieure à celle de M. Cave. Même pour M. Cave, ce pouvoir variait considérablement : sa vision étant la plus vive dans ses moments d’extrême faiblesse et de grande fatigue.
Or, dès le début, cette lumière dans l’œuf de cristal exerça sur M. Cave une curieuse fascination. Ce fait qu’il ne fit part à aucun être humain de ses curieuses observations en dit plus sur l’isolement de son âme que tout un volume de phrases pathétiques ne pourrait le faire. Il semble qu’il ait vécu dans une telle atmosphère de méchanceté mesquine qu’admettre l’existence d’un plaisir eût été le risque de sa perte. Il fit aussi cette remarque qu’à mesure que l’aube avançait et que la somme de lumière diffuse augmentait, l’œuf de cristal devenait, de toute apparence, non lumineux. Pendant quelque temps il fut incapable de rien voir dans l’intérieur, excepté le soir, dans les coins obscurs de la boutique.
Mais l’emploi d’un vieux morceau de velours noir, sur lequel il étalait une collection de minéraux, lui vint à l’idée, et en le doublant et le mettant par-dessus sa tête et ses mains, il pouvait apercevoir le mouvement lumineux à l’intérieur de l’œuf de cristal, même dans la journée. Il agissait avec beaucoup de prudence de peur d’être découvert par sa femme, et il ne se livrait à cette occupation que pendant l’après-midi et avec circonspection, sous le comptoir, pendant que sa femme faisait sa sieste. Un jour, en tournant le cristal dans ses mains, il vit quelque chose. Cela passa comme un éclair, mais il eut l’impression que l’objet lui avait, pour un moment, révélé l’existence d’une vaste, immense et étrange contrée ; et le retournant encore, au moment où la clarté s’éteignait, il eut de nouveau la même vision.