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mercvre de france—xii-1899

de vastes contrées populeuses et de mers étroites sillonnées de navires.

Nous, les hommes, créatures qui habitons cette terre, nous devons être, pour eux du moins, aussi étrangers et misérables que le sont pour nous les singes et les lémuriens. Déjà, la partie intellectuelle de l’humanité admet que la vie est une incessante lutte pour l’existence et il semble que ce soit aussi la croyance des esprits dans Mars. Leur monde est très avancé vers son refroidissement, et ce monde-ci est encore encombré de vie, mais encombré seulement de ce qu’ils considèrent, eux, comme des animaux inférieurs. En vérité, leur seul moyen d’échapper à la destruction qui, génération après génération, se glisse lentement vers eux, est de s’emparer, pour y pouvoir vivre, d’un astre plus rapproché du soleil.

Avant de les juger trop sévèrement, il faut nous remettre en mémoire quelles entières et barbares destructions furent accomplies par notre propre race, non seulement sur des espèces animales, comme le bison et le dodo, mais sur les races humaines inférieures. Les Tasmaniens, en dépit de leur ressemblance humaine, furent entièrement balayés du monde dans une guerre d’extermination engagée par les immigrants européens, en l’espace de cinquante ans. Sommes-nous de tels apôtres de miséricorde que nous puissions nous plaindre de ce que les Marsiens aient fait la guerre dans ce même esprit ?

Les Marsiens semblent avoir calculé leur descente avec une sûre et étonnante subtilité — leur science mathématique étant évidemment bien supérieure à la nôtre – et avoir mené leurs préparatifs à bonne fin avec une presque parfaite una-