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Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/170

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la guerre des mondes

arbres et que les clochers, qui s’avançait à loisir en semblant parodier la marche humaine.

C’était le premier Marsien que mon frère voyait et, plus étonné que terrifié, il suivit des yeux ce Titan se lançant délibérément vers les embarcations et, à mesure que la côte s’éloignait, s’enfonçait de plus en plus dans l’eau. Alors, au loin, par-delà le canal de Crouch, un autre parut, enjambant des arbres rabougris, puis un troisième, plus loin encore, enfoncé profondément dans des couches de vase brillante qui semblaient suspendues entre le ciel et l’eau. Ils s’avançaient tous vers la mer comme s’ils eussent voulu couper la retraite des innombrables vaisseaux qui se pressaient entre Foulness et le Naze. Malgré les efforts haletants des machines du petit bateau à aubes et l’abondante écume que lançaient ses roues, il ne fuyait qu’avec une terrifiante lenteur devant cette sinistre poursuite.

Portant ses regards vers le nord-ouest, mon frère vit la large courbe des embarcations et des navires déjà secouée par l’épouvante qui planait ; un navire passait derrière une barque, un autre se tournait, l’avant vers la pleine mer. Des paquebots sifflaient et vomissaient des nuages de vapeur ; des voiliers larguaient leurs voiles ; des chaloupes à vapeur se faufilaient entre les gros navires. Il était si fasciné par cette vue et par le danger qui s’avançait à gauche qu’il ne vit rien de ce qui se passait vers la pleine mer. Un brusque mouvement que fit le vapeur pour éviter d’être coulé bas le fit tomber, tout de son long, du banc sur lequel il était monté. Il y eut un grand cri tout autour de lui, un piétinement et une acclamation à laquelle il lui sembla qu’on répondait faiblement. Le bateau tira une embardée et il fut de nouveau sur les mains.