Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/443

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ment ; mais soudain il retira sa tête et disparut.

J’écoutai — puisque je n’étais pas sourd — et je me convainquis qu’il ne devait plus y avoir personne à la fosse. J’entendis un bruit de battement d’ailes et un rauque croassement, mais ce fut tout.

Pendant très longtemps, je demeurai à l’ouverture de la brèche, sans oser écarter les tiges rouges qui l’encombraient. Une fois ou deux, j’entendis un faible grincement, comme de pattes de chien allant et venant dans le sable au-dessous de moi ; il y eut encore des croassements, puis plus rien. À la fin, encouragé par le silence, je regardai.

Excepté dans un coin, où une multitude de corbeaux sautillaient et se battaient sur les squelettes des gens dont les Marsiens avaient absorbé le sang, il n’y avait pas un être vivant dans la fosse.

Je regardai de tous côtés, n’osant pas en croire mes yeux. Toutes les machines étaient parties. À part l’énorme monticule de poudre gris bleu dans un coin, quelques barres d’aluminium dans un autre, les corbeaux et les squelettes des morts, cet endroit n’était plus qu’un grand trou circulaire creusé dans le sable.

Peu à peu, je me glissai hors de la lucarne entre les Herbes Rouges et je me mis debout sur un morceau de plâtras. Je pouvais voir dans toutes les directions, sauf derrière moi, au nord, et nulle part il n’y avait la moindre trace des Martiens. Le sable dégringola sous mes pieds, mais un peu plus loin les décombres offraient une pente praticable pour gagner le sommet des ruines. J’avais une chance d’évasion et je me mis à trembler.

J’hésitai un instant, puis dans un accès de résolution désespérée, le cœur me battant violemment,