Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/710

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Divinité, je me glissai hors de la maison comme un rat quitte son trou – créature à peine plus grande, animal inférieur qui, selon le caprice passager de nos maîtres, pouvait être traqué et tué. Les Marsiens, eux aussi, invoquaient peut-être Dieu avec confiance. À coup sûr, si nous ne retenons rien autre de cette guerre, elle nous aura cependant appris la pitié — la pitié pour ces âmes dépourvues de raison qui subissent notre domination.

L’aube était resplendissante et claire ; à l’orient, le ciel, que sillonnaient de petits nuages dorés, s’animait de reflets roses. Sur la route qui va du haut de la colline de Putney jusqu’à Wimbledon, traînaient un certain nombre de vestiges pitoyables, restes de la déroute qui, dans la soirée du dimanche où commença la dévastation, dut pousser vers Londres tous les habitants de la contrée. Il y avait là une petite voiture à deux roues sur laquelle était peint le nom de Thomas Lobbe, fruitier à New Maiden ; une des roues était brisée et une caisse de métal gisait auprès, abandonnée ; il y avait aussi un chapeau de paille piétiné dans la boue, maintenant séchée, et au sommet de la côte de West Hill je trouvai un tas de verre écrasé et taché de sang, auprès de l’abreuvoir en pierre qu’on avait renversé et brisé. Mes plans étaient de plus en plus vagues et mes mouvements de plus en plus incertains ; j’avais toujours l’idée d’aller à Leatherhead, et pourtant j’étais convaincu que, selon toutes les probabilités, ma femme ne pouvait s’y trouver. Car, à moins que la mort ne les ait surpris à l’improviste, mes cousins et elle avaient dû fuir dès les premières menaces de danger. Mais je m’imaginais que je pourrais, tout au moins, apprendre là de quel côté s’étaient enfuis les habitants de Surrey. Je savais que je