Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/713

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Il me tendit sa main et je la pris.

— Moi, continua-t-il, je m’étais glissé dans un fossé d’écoulement. Mais ils ne tuaient pas tout le monde. Quand ils furent partis, je m’en allai à travers champs jusqu’à Walton. Mais… il y a quinze jours à peine… et vous avez les cheveux tout gris.

Il jeta soudain un brusque regard en arrière.

— Ce n’est qu’une corneille, dit-il. Par le temps qui court, on apprend à connaître que les oiseaux ont une ombre. Nous sommes un peu à découvert. Installons-nous sous ces arbustes et causons.

— Avez-vous vu les Marsiens ? demandai-je. Depuis que j’ai quitté mon trou, je…

— Ils sont partis à l’autre bout de Londres, dit-il. Je pense qu’ils ont établi leur quartier général par là. La nuit, du côté d’Hampstead, tout le ciel est plein des reflets de leurs lumières. On dirait la lueur d’une grande cité, et on les voit aller et venir dans cette clarté. De jour, on ne peut pas. Mais je ne les ai pas vus de plus près depuis… — il compta sur ses doigts… — cinq jours. Oui. J’en ai vu deux qui traversaient Hammersmith en portant quelque chose d’énorme… Et l’avant-dernière nuit, ajouta-t-il d’un ton étrangement sérieux, dans le pêle-mêle des reflets, j’ai vu quelque chose qui montait très haut dans l’air. Je crois qu’ils ont construit une machine volante et qu’ils sont en train d’apprendre à voler »

Je m’arrêtai, surpris, sans achever de m’asseoir sous les buissons.

— À voler !

— Oui, dit-il, à voler !

Je trouvai une position confortable et je m’installai.

— C’en est fait de l’humanité, dis-je. S’ils réus-