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MERCURE DE FRANCE—VII-1900

tuerait peut-être s’il se plaignait le moins du monde.

La mère avait l’air ivre.

— Je t’attacherai, vermine, répétait-elle tout bas, serrant les dents et davantage les poings, je t’attacherai par les pattes comme un poulet vendu !

Alors, il répondit également à voix basse, devinant qu’il fallait se résigner, obéissant à un ordre donné de plus haut que les coups :

— Ben, quoi ? T’es donc enragée ? Pourquoi que t’as pas de chemise, c’te nuit ? Finis donc ou tu vas le réveiller.

La femelle s’arrêta subitement, et rejeta ses cheveux en arrière.

Le petit Toniot l’imita.

Ils se regardèrent du fond de l’ombre où les flancs haletants de la mère mettaient une espèce de lueur. Et chacun ils eurent honte de leur pauvre nudité.

Accroupi sur son drap, tâtant ses petits membres cuisants qui seraient bleuis au matin, le garçon contemplait la femelle d’un regard de curiosité souffrante, protégeant son petit sexe de sa main gauche, car il se doutait bien que si elle frappait encore par là ce serait fini du petit crapaud, qui ferait couac et serait mort.

Ah çà, pourquoi qu’elle se mettait à taper comme un homme, à présent ? Est-ce que les femmes nues ont tous les droits ? Quel mystère venait donc d’entrer dans la chambre avec la clarté d’une peau ? Et il grelottait de frayeur.

— Ah, je suis pus lasse que si je t’avais pondu, fils de hibou ! murmura la mère, lui tournant le dos pour aller mettre sa chemise.