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Page:Mercure de France - 1914-07-16, tome 110, n° 410.djvu/14

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avait pendant vingt ans rassemblé les « perles » les plus rares. La découverte dé ces curiosités exigeait d’immenses et rebutantes lectures : « Il vous faudrait lire pour moi toute une bibliothèque imbécile », écrit-il un jour à Edmond Laporte, justement à propos de Bouvard et Pécuchet. Or, pourquoi tant de recherches, si la copie des deux « bonshommes » avait été toute prête dans le carton des Idées reçues ?

D’ailleurs, Edmond Laporte m’a dit autrefois lui-même, à maintes reprises, que les recherches faites par lui pour Flaubert (il avait dépouillé entre autres ouvrages le Dictionnaire des Sciences médicales, l’Histoire Naturelle de la Santé et de la Maladie de Raspail, etc.) devaient précisément servira la copie de Bouvard et Pécuchet. A lui seul ce témoignage suffirait. Mais il se trouve confirmé par ce fait que, dans les papiers laissés par Edmond Laporte se trouve une forte liasse de citations tirées d’ouvrages de médecine, d’histoire naturelle, de philosophie, d’économie politique, et qui portent des indications marginales de la main de Flaubert, telles que : contradictions, exaltation du bas bourgeois, etc., correspondant exactement à la classification du sottisier, indiquée par Maupassant[1], et montrant bien que les notes ainsi recueillies avaient subi déjà un premier classement. En outre on peut d’autant mieux penser que la phrase de Flaubert : « mon second volume est fait aux trois quarts ; il ne sera presque composé que de citations[2] » désigne le sottisier et non le Dictionnaire des Idées reçues, que le texte du Dictionnaire est original, tandis que celui du sottisier est tout entier fait de citations.

Dans le don fait par Mme Frauklin-Grout à la Bibliothèque de Rouen figurent les brouillons autographes de Bouvardet, Pécuchet, paquet considérable de onze mille feuilles non paginées, et soixante dossiers de « notes et documents » extraits de près de 1500 volumes lus par Flaubert, Duplan et Laporte, et parfaitement distincts d’un autre. dossier de fiches composant le Dictionnaire des Idées reçues, celles-là entièrement de la main de Flaubert, et rédigées pour la plupart bien avant la préparation de Bouvard et Pécuchet. « Savez-vous, écrivait Flaubert à Mme Roger des Genettes, à combien se montent les

  1. Guy de Maupassant, Préface aux lettres de Gustave Flaubert à George Sand, pp. xxviii et sq. (Charpentier, in-12, 1884).
  2. Correspondance de Flaubert, IV, p. 410.