Page:Mercure de France - 1er juillet 1914, tome 110, n° 409.djvu/105

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bien qu’elle ne fût pas pour les yeux. Mais le cœur en est fortifié, qui retrouve de l’assurance, et quand les dernières paroles eurent été prononcées, le dernier répons envoyé, quand le moment de sortir fut venu et qu’on commença de sortirais se sentaient tout à fait résolus, à cause qu’ils étaient ensemble.

II avait été décidé qu’on sonnerait toutes les cloches. Etienne, fils d’Etienne, fils d’un troisième Etienne, était posté dans le clocher. Il n’était pas seul, ce jour-là. Car, outre le carillon dont il se chargeait d’ordinaire, il devait y avoir la grosse Marie-Madeleine, qui avait besoin de trois hommes, étant de taille, comme on voit, et une sorte de personne pas commode à contenter. Il vint premièrement une petite voix claire, une vive note d’argent, qui se trouva piquée en haut du ciel et y bougeait, comme l’alouette quand elle est montée ; on vit sortir la croix que portait un, homme en surplis. C’est les hommes de « l’Habit blanc », ainsi qu’on les appelle ; puis il y aura les femmes et les filles de l’Habit blanc. La croix se montra un peu inclinée, vu le peu de hauteur du porche, mais elle se redressait déjà. Et, à ce moment, la petite note tremblotant au ciel parut éclater comme une capsulé, quand la graine est mûre dedans : mille autres petites notes en jaillirent ; elles ruisselaient tout autour de vous, poudroyaient aux replis de l’air, furent apportées, emportées ; et outre le mouvement de haut en bas qu’elles avaient, elles cédaient à un mouvement de côté. La croix tourna l’angle du cimetière. Derrière, venaient les femmes de l’Habit blanc qu’on a vues. Derrière les femmes de l’Habit blanc, quatre jeunes filles en blanc, elles aussi, portaient une belle Vierge de cire en robe de soie ; et derrière encore, commençaient maintenant d’apparaître les hommes. Alors Marie-Madeleine sortit à son tour du clocher. Et toutes les autres petites notes semblèrent fuir, s’éparpiller, comme des oisillons surpris, tandis qu’au-dessus d’elles se mettait à planer, avec de temps en temps, seulement, un coup d’aile, l’autre gros oiseau, l’oiseau des hauteurs.

Ils s’étaient engagés sur la pente du calvaire. C’est, parmi des prés d’herbe pauvre, des petits étages rocheux. Le chemin va de l’un à l’autre, et les contourne. C’est gris et vert, dans la belle saison, sur le vide du ciel derrière ; ce jour-là c’était blanc et noir. Le noir venait d’un petit bois de sapins, qui faisait tout le tour du cône, un peu au-dessous du som-