Page:Mercure de France - 1er juillet 1914, tome 110, n° 409.djvu/123

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se briser ne restait debout dans l’église : les tableaux où étaient les Saints et ceux du chemin de croix, on se prenait les pieds dans ces toiles crevées ; on enfonçait par place jusqu’aux genoux dans les débris. Seuls les murs tenaient encore ; pourtant une grande lézarde se voyait dans celui qui était au levant. Mais pires encore étaient, offertes également aux yeux, les traces que laissait la fête : le tonneau qu’on avait défoncé pour finir s’était vidé de tout son contenu et on glissait dans les mares de vin.

Ils avaient pris Lucie et la portaient sur leurs épaules, à côté du christ qu’ils portaient aussi. Ils avaient fait, avec leurs épaules et leurs mains levées, comme une espèce de brancard où elle était, avec le christ. On a beau s’en aller, on ne renonce à rien. On montrera jusqu’à ce soleil, s’il le faut, quelle espèce de gens on est, et qu’on fait tout ce qu’il nous plaît de faire. Ils traversèrent l’église. Le porche ouvrait sa voûte, au bout ; à ce moment, arrivèrent encore deux ou trois personnes du village, qui dirent : « Donnez-nous d’abord à manger parce que nous avons faim. » On leur répondit : « Allez à l’auberge. » Et eux continuaient de s’avancer, portant leur double charge qu’ils présentèrent au grand jour.

Mais, brusquement, le soleil se voila. Un nuage noir descendit et il tombait partout comme une pluie de cendres. Ainsi fut préparée l’apparition qui se fit, et soudain, au milieu du ciel, un grand rideau fut écarté. On vit se relever les pans de l’étoffe. On vit s’enrouler en arrière ces nuées venues tout à coup, on découvrit les grands espaces, soustraits d’ordinaire aux regards. Et là une première troupe d’Anges parut. Ils tenaient des épées de feu, leurs grandes ailes battaient très vite : tendus en avant dans leur vol, leurs robes de fin lin flottant tout autour d’eux, ils se rapprochaient si rapidement qu’à peine s’étaient-ils montrés et ils étaient déjà deux fois plus grands qu’avant.

Et ceux qui portaient la grosse Lucie (portant cet autre en même temps) laissèrent choir leur double charge, parce qu’ils étaient frappés d’épouvante. Peut-être qu’ils allaient s’enfuir. « Ils n’en eurent pas le temps. Branchu parut :

— Voyons, disait-il, et il souriait, est-ce ça que vous appelez du courage ? N’ayez pas peur, ils ne descendront pas si bas…