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Page:Mercure de France - 1er septembre 1920, tome 142, n° 533.djvu/37

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russes réprimer les révolutionnaires hongrois. Alexandre III le comprenait aussi. Sous son règne, à côté de l’Alliance franco-russe, il y avait le Dreikaiser Bund (l’Union des Trois Empereurs). Mais en 1914, les monarques européens se sont tout à coup jetés les uns sur les autres à la gloire de la démocratie de l’Europe occidentale qu’ils exécraient le plus au monde. Il est évident que je ne sais quelle fatalité pesait sur eux, et le proverbe russe : on n’échappe pas à son sort, s’est trouvé justifié. Les hommes et les peuples font tout pour précipiter leur perte, — si tel est leur destin.

Maintenant il est clair, je crois, pour tous, et pour les Allemands et pour les non-Allemands, que si intérêts il y avait, ces intérêts exigeaient tout ce qu’on voulait, sauf la guerre, que la guerre était contraire à tous les intérêts de tous les hommes. En effet, si les Allemands avaient dépensé les moyens et l’énergie mis au service de la guerre au service des tâches constructives et non destructives, ils auraient pu transformer leur Vaterland en un paradis terrestre. On peut dire la même chose des autres peuples. La guerre a coûté des sommes fantastiques : plus d’un billion de francs. Et je ne parle même pas de tous ceux qui ont péri, des villes détruites, etc… Je le répète, si les cercles dirigeants qui tenaient dans leurs mains le sort de leurs peuples et de leurs pays avaient pu s’entendre et forcer les peuples pendant cinq ans à travailler avec une telle abnégation et une telle opiniâtreté pour atteindre des buts positifs, le monde se serait transformé en une Arcadie où il n’y aurait actuellement que des gens heureux et riches. Au lieu de cela, pendant cinq ans les hommes se sont exterminés les uns les autres, ils ont dilapidé les économies réalisées et ramené l’Europe florissante à un état qui rappelle parfois les plus mauvais jours du Moyen-âge. Comment tout cela a-t-il pu arriver ? Pourquoi les hommes ont-ils du coup perdu la raison ? Je n’ai à cela qu’une réponse qui me poursuit sans cesse depuis le premier jour de la guerre. Je me trouvais à ce moment-là à Berlin, rentrant en Russie de