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Page:Mercure de France - Juillet 1908, Tome 74, n° 266.djvu/83

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son éclat, était tel un cercle violet quand l’air gris était plein de poussière volante qui ne pouvait pas tomber, quand le vent commençait à jaillir des endroits noirs et vides, alors Jean désirait s’envoler avec lui jusqu’aux confins du monde et il succombait à son souffle, ainsi qu’une toile d’araignée pendant à la charpente de la grotte. Et lorsque le vent se changeait en samum, en souffle terrible des narines divines, et lorsque les sables gonflés s’élançaient du désert, telles des voiles minces attachées à une vergue invisible dans les nuages et à une autre au fond de la terre, alors, des ténèbres de sa caverne, il voyait des phénomènes étranges. Les charpentes des roches, quand le vent les frappait en s’agitant et en fumant, bâillaient, et une flamme jaillissait de leurs gueules. Une obscurité étouffante volait au-dessus de la terre, telles les ailes de Satan. L’espace tout entier se remplissait d’une poix flamboyante. Le marbre, le fer et l’eau brûlaient la main. Alors les nuages de feu volant du côté du soleil entrelaçaient le sein des sables enflammés, comme un corps dont la gorge était ronde, les bras délicieusement ouverts, et dont les cheveux coulaient en flots sur le cou nu.

Jean tombait alors la face sur le sol et appelait l’esprit paternel à son aide. Et l’amour sacré éteignait les visions sataniques. Il éveillait le désir de l’action qui serait accomplie un jour. Cette action, Dioclès la lui avait recommandée avant sa mort, en disant :

— Quand tu auras vu dans l’eau calme de la source une neige blanche couvrir tes cheveux, quand tes jambes seront lasses, tes mains engourdies, et quand tu n’auras plus à incliner ta tête en franchissant le seuil de la grotte, alors tu quitteras ces lieux et marcheras jour et nuit vers la contrée où le soleil se lève.

Jean était assis, au point du jour, près du tombeau de son père à la cime du rocher, lorsque ce spectacle se présenta à ses yeux. Il lui sembla d’abord que c’était une tache qui serpentait dans sa prunelle, un lion peut-être, un troupeau d’antilopes…

Il descendit en courant, s’arrêta au seuil de sa grotte et regarda avec des yeux étonnés. Vers sa demeure approchaient des chameaux gris aux cous longs et aux museaux dont la lèvre coupée mâchonnait la nourriture. Les cailloux grinçaient