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L’ÉGOÏSTE

— Permettez-moi de vous conduire au jardin, mon amour ! dit-il.

Elle répondit :

— Je préférerais gagner ma chambre.

— Je vous enverrai un cartel en fleurs sauvages.

— Non pas de fleurs ! Je n’aime pas à les voir cueillies.

— Je vous attendrai sur la pelouse.

— J’ai la tête lourde.

Sa tendre sollicitude le fit se rapprocher.

Désinvolte elle l’assurait que ça allait mieux ; elle était prête à l’accompagner au jardin, à flâner dans le parc.

— C’est la migraine ! disait-elle.

Mais elle eut à payer la taxe pour avoir sollicité l’accompagnement d’un gentleman. Un baiser.

Cette fois elle se blâmait et lui, et ce monde dont il abusait, et le destin par-dessus le marché. Et elle se souciait peu d’être approuvée, n’aspirant qu’à la liberté. Avec une froideur qui l’étonnait, elle s’émerveilla sur le baiser, l’obligation où se trouve une personne inerte de devenir complice. Pourquoi n’était-elle point libre ? En vertu de quel droit étrange devait-elle être traitée en possession ?

— Je vais tâcher par la promenade de chasser cette lourdeur ! dit-elle.

— Ma chérie ne doit point se fatiguer.

— Oh ! non ! soyez tranquille.

— Asseyez-vous auprès de moi. Votre Willoughby est votre serviteur dévoué.