Aller au contenu

Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
L’ÉGOÏSTE

verser le lac à la nage, sans se déshabiller, ou bien de plonger jusqu’au fond ; elle n’avait qu’à jeter dedans ce qu’elle voudrait, avec solennité il déclara que ce ne serait pas perdu.

Elle s’en alla d’un pas lent, chantant en elle-même, pour calmer la fièvre de ses pensées, un chant simple d’un cœur allégé, indépendant du fond gris et noir. Tel gazouille le chantre ailé parmi les roseaux dans la nuit.

Un pas résonna sur ses talons.

— Ah ! ah ! C’est vous qui gâtez mon vaurien !

— Mr Whitford ! Oh ! non. Loin de le gâter, j’ai essayé de l’endoctriner. C’est un aimable enfant, mais, je crois, difficile à conduire.

La fine lumière du couchant l’enveloppait, et elle était animée. Elle dit qu’elle avait canoté ; et comme, selon sa coutume, il fixait sur elle la pénétration de son regard, elle s’en défendit en pensant à la vieille chèvre de Robinson Crusoë dans la grotte.

— Il faut que je le fasse partir d’ici, dit Vernon. Ici on me le gâte. Parlez donc de lui à Willoughby. Je ne peux deviner ce qu’il veut faire de ce gamin ; mais s’il doit entrer dans la marine, ce n’est pas ainsi. Or, si jamais il y eut dans un enfant l’étoffe d’un marin, c’est dans Crossjay.

Vernon ignorait l’explosion dans le laboratoire.

— Et Willoughby riait ? Il y a des gaveurs dans les ports de mer qui bourrent les jeunes gens de ce qu’il leur importe de savoir pour passer les examens ;