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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/143

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L’ÉGOÏSTE

— Ma chère Clara, vous adorez le monde, et vous semblez ignorer qu’il n’y a rien en ce monde querelleur qui ne nous soit sujet à dispute et à contestation jusqu’à la nausée. J’ai mes idées sur Crossjay, Vernon a les siennes. Je voudrais en faire un gentleman. Vernon le destine à être marin. Mais Vernon est son protecteur. Vernon l’a pris à son père pour l’instruire ; il a le droit de décider sur lui. Je n’interviens pas. Mais je ne peux pas empêcher le gamin de tenir à moi. Ce vieux Vernon semble l’avoir compris. Je vous assure que je me tiens à l’écart. Quoique je désapprouve les projets de Vernon, si l’on me demande de consentir au départ de l’enfant, je ne puis que hausser les épaules, car jamais je ne m’y suis opposé. C’est le vieux Vernon qui paie, il est donc le maître, il décide, et si la bourrasque emporte Crossjay du haut du grand mât, le blâme ne pourra m’atteindre. Voilà, ma chère, de la logique pure.

— Je ne voudrais pas y contredire, dit Clara. Si je n’avais soupçonné que l’argent.

— Oui, s’écria Willoughby, cela en fait partie. Que le vieux Vernon me remette l’enfant et immédiatement je le délivre de la charge qui pèse sur sa bourse. Puis-je le faire, ma chérie, pour l’exécution d’un projet que je réprouve ? Écoutez : dernièrement, j’ai invité le capitaine Patterne à venir me faire visite, ce fut au moment où il allait partir pour la côte d’Afrique, où le gouvernement envoie nos fantassins de marine, quand il ne se présente aucun autre moyen de les tuer.