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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/155

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L’ÉGOÏSTE
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misérable existence ; j’ai besoin de lui. S’il s’en va, il m’offense ; il perd un ami ; ce n’est pas la première fois qu’un ami a outrepassé les limites ; mais quand il m’offense, il est éteint.

— Il est quoi ? s’écriait Clara en émoi.

— Il est pour moi comme s’il n’avait jamais existé. Il est éteint.

— Malgré votre amitié ?

— À cause de cette amitié. Notre âme est pleine de mystères. Quels que soient mes regrets, il s’éteint. Ceci n’est pas à dire en public. Cependant je ne fais aucun mal, je reste chrétien. Mais…

Sir Willoughby, étendant les bras, s’interrompait.

— Mais parlez-moi comme vous parlez en public, Willoughby. Épargnez-moi.

— Ma Clara, nous ne faisons qu’un. Il faut que vous connaissiez de moi le pire, si j’ose m’exprimer ainsi, aussi bien que le meilleur.

— Faut-il vous dire tout ?

— Quoi ?

Elle restait silencieuse, le flot d’une instable résolution gonflait son sein et s’affaissait, avant qu’elle dit :

— Je ne m’en sens pas le courage.

— Ô femmes ! s’écriait-il.

Il ne faut pas s’attendre à tant des femmes ; ni vertus héroïques, ni vices. Elles n’ont pas à faire preuve d’énergie.

Il reprit et par son ton elle comprit qu’il lui avait