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CHAPITRE IV

Son pathos était vraiment comique.

Un grand mois s’écoula avant qu’il pût voir emporter le pudding, sans un soupir de regret de ne pouvoir le finir en sa qualité de député de la maisonnée de Devonport. Les espiègleries du garçonnet, ses ébats dans la campagne, sa fougue amusèrent Lætitia du matin au soir. Quand elle pouvait l’attraper, elle lui donnait la leçon le matin ; Vernon, grâce à la chasse, l’après-midi. Le jeune Crossjay aurait animé n’importe quelle maison. Il était non seulement indolent, mais encore opposé à toute acquisition de connaissances par les livres et disait : « À quoi bon ? » sur un ton à rendre perplexe le plus parfait des logiciens. En lui la nature prévalait ; lorsque venait l’heure de la leçon, il fallait Le cueillir du sol où il se terrait, pour éviter ces énigmes tyranniques dont on s’obstinait à vouloir farcir sa bonne grosse tête. Mais les habitudes des oiseaux, la cachette de leurs œufs, les coutumes des lapins, la manière de capturer un poisson, les joies de pocher un œil avec les enfants combatifs du district, comment on cajole un cuisinier qui prépare un lunch par un jour de pluie quand il n’y a rien à faire dehors, tout cela il l’avait appris d’intuition. Cependant sa vocation pour le service naval fut un moyen de visser son intelligence aux leçons quand il eut commencé à comprendre que pour atteindre au rang de midshipman il fallait avoir d’abord traversé le désert. Il était ardemment fier de son belliqueux père. Un jour qu’il se promenait près du château avec