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Page:Meredith - L’Égoïste, 1904.djvu/93

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L’ÉGOÏSTE

si vous le vouliez ! Mais efforcez-vous d’entrer dans ma pensée. Pensez avec moi, sentez avec moi. Dès que vous aurez compris l’intensité de l’amour d’un homme tel que moi, vous ne songerez plus au doute. C’est la différence entre l’élite et le vulgaire, entre l’idéal de l’amour et l’accouplement des troupeaux. Mais n’en parlons plus ! Du moins j’ai votre main. Aussi longtemps que je vivrai, votre main m’appartiendra. Ne dois-je pas être satisfait ? Je le suis. Mais je vois plus loin que la plupart des hommes et je sens plus profondément. Et maintenant il faut que je remonte à cheval, que je retourne au chevet de ma mère… Elle meurt, lady Patterne. Elle aurait pu aussi… Mais elle est grande parmi les femmes. Avec un beau-père ? Juste ciel ! Aurais-je pu rester avec ma mère lui gardant la même déférence. Il faut si peu, ma chérie, pour que tout ce que nous avons gagné par la civilisation s’effrite, que nous retombions dans le mortier primitif où nous fûmes meurtris et écrasés. Quand je m’installe pour la veiller, je pense que particulièrement chez la femme, ce à quoi il importe surtout d’aspirer, c’est la distinction. Faute de quoi, l’humanité n’est qu’une masse vautrée. Les femmes doivent nous apprendre à les respecter sinon on nous verrait bêler, aboyer, mugir. Mais en voilà assez. Pensez-y ! Il faut que je parte. Il se peut que l’événement ait eu lieu durant mon absence : Je vous écrirai. J’aurai de vos nouvelles, n’est-ce pas ? Venez me voir monter Black Norman. Mes respects à votre père. Je regrette