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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

et pour devise. Leurs actes furent incroyables : ils se gorgèrent de soleil et menèrent leur barque de façon à éclipser tous les couples historiques de notre planète. Ils appartiennent pourtant à l’histoire ; ils ont respiré un air plus vivifiant que celui de la fiction ; le dernier chapitre de leur aventure est tracé dans le sang, et l’homme qui répandit ce sang rouge fut de nature puissante et non sans héroïsme ; c’était un de ces représentants de l’active intelligence moderne qui se collette avec les faits pour garder au monde sa vie, ou qui sait les créer pour faire tourner la terre. Il pourrait devenir le héros d’une légende à la Faust : lui aussi il avait un démon attaché à sa personne. Chef d’une multitude, espoir d’un parti, adoré de ses adeptes, exécré de ses ennemis, respecté par les premiers intellectuels de l’époque, il tomba dans l’orgueil de sa force et de ses œuvres. Pourquoi cet homme périt par l’amour, pourquoi la femme qui l’aimait mit sa main dans la main de son meurtrier, voilà le problème qu’il nous faut élucider, sans aucune invention, en connaissance de leur esprit et de leur chair à tous deux. Inutile de nous demander s’ils connurent vraiment l’amour. L’amour est sans doute un feu céleste avant d’envahir le cœur des mortels. Mais là il se modèle sur sa demeure et c’est moins dans sa pure essence que nous avons à le considérer que sous sa forme de passion. L’amour les anima-t-il, les entraîna-t-il, fit-il apparaître chez l’un les géants et les gnomes, chez l’autre les lutins et les fées, chassa-t-il en eux l’animale nature du premier rang que la mode lui assigne ? Les simples lignes de leur histoire