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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/207

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

alpestre d’amont aux plaines historiques et peuplées d’aval.

Il sortit de sa méditation pour se jurer et promettre à des divinités confuses de ne jamais plus demander une grâce médiocre, si celle-là lui était octroyée.

Il était assuré, d’ailleurs, de la victoire, puisqu’il avait mis toutes ses forces en œuvre pour la remporter, et il la savourait à l’avance ; son cœur bondissait, son imagination tissait des toiles de couleurs radieuses ; il éprouvait seulement quelque confusion de ses fureurs, bien qu’il n’en gardât qu’un souvenir indistinct ; il lui semblait bien avoir fait du tapage et crié plus ou moins fort, parce qu’il trouvait infâme de contrecarrer des desseins aussi purs que les siens. Parvenu à un âge où l’honnête homme sacrifie sa liberté à la société, il était prêt à remplir son devoir en se mariant selon la loi. Un homme doit avoir femme et enfants pour n’être pas oublié de son pays, et pour servir l’humanité en transmettant aux temps à venir des talents dont il a prouvé l’inestimable valeur. Il songea à ses enfants et se sentit, physiquement et moralement, en contact, par leur truchement, avec les générations futures.

Telle fut son excuse au monde pour des écarts d’humeur dont il se souvenait vaguement.

Clotilde était-elle chose si futile qu’il le prétendait ? Pas si elle cédait à ses parents. En résistant à Alvan, elle se montrait mesquine, irritante, blessante, exaspérante ; elle faisait tomber sur sa force et sur son estime de lui-même une lueur sinistre ; elle incitait les géants qui dormaient en lui à la lapider au nom de sa pureté d’intentions et de