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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/215

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

retour de leur visite à Clotilde ; simple formalité, d’ailleurs, que cette réponse donnée en leur présence, et surtout destinée à convaincre la jeune fille que son amant était capable de la défendre.

Le colonel prit une tasse de café avec lui, avant de se rendre chez le général de Rüdiger, et Alvan, de ce moment, fut incapable de penser plus longtemps aux femmes en général. C’est Clotilde qu’il lui fallait. Tresten se rendait chez elle, allait la voir, la voir de ses yeux et entendre sa voix ; dans un instant, il entendrait sa voix, verrait ses yeux, sa chevelure, toucherait sa main. Mieux, il pourrait l’encourager, la réconforter, et dire au retour à Alvan la fleur qu’elle portait et comment elle la portait : près de la tempe ou sur la nuque, sur son sein ou à la ceinture. Elle avait l’art de traduire des nuances de sentiments par ces petites indications subtiles et savait, pour l’observateur perspicace, varier à l’infini son langage.

— Surtout, contraignez-la à parler sérieusement, conseilla Alvan. Il faut que nous nous voyions aujourd’hui, le plus tôt possible, au début de l’après-midi. Elle va vouloir persifler, sans doute. Elle ne m’a pas vu de longtemps et va jouer à l’émancipée, en s’étonnant de l’impatience singulière du seigneur Alvan. Ne l’entendez-vous pas d’ici ? Je parie qu’elle prononcera ces paroles textuelles. Elle va déclarer, en tordant son éventail et en tapant du pied, qu’elle « tient à sa liberté », et « que le seigneur Alvan paraît bien pressé ». Elle se trouvera probablement des lettres à écrire, cet après-midi. Ne tolérez pas cela ; c’est un jeu auquel je n’entends pas me prêter ; demain, si elle veut, mais pas aujourd’hui, pas, du moins, avant de la tenir bien