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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/218

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

elle y pourra voir. Maintenant, partez. Je vais faire quelques pas avec vous. Il me semble que depuis notre séparation, elle a dû rester assise sur un trône au bord de l’Érèbe et prendre un aspect sinistre. J’ai fait un rêve d’arbre mort qui m’a troublé. Je vous dis qu’il faut en finir avec cette histoire. Tout cela me fait sentir trop jeune.

Tresten lui conseilla d’aller passer une heure chez la baronne.

— Impossible. Elle me fait sentir trop vieux, répondit Alvan. Parler ! Elle sait écouter, c’est vrai, mais pour l’instant, je ne me soucie pas d’ouvrir la bouche. Silence de mort : un trait de plume jusqu’à votre retour ! J’envie tous ces braves gens qui courent à leurs affaires, ces touristes, ces badauds qui ont le secret de tuer le temps sans lui faire de mal. Je voudrais savoir comment ils font. Dès que j’essaie d’étouffer une minute, le vieux se redresse, tremblant de fureur, et me menace corps et âme. À juger d’après les visages, on dirait qu’il ne s’est rien passé de bien neuf, ce matin. Je n’ai pas lu de journal et n’en veux pas lire. C’est ici qu’il faut nous quitter. Parlez net à mon sujet, sans vous départir d’une stricte politesse. Je sais que vous avez la manière : n’oubliez pas que c’est une fine mouche. Elle pourrait bien être sortie, par un jour pareil. Voici une ombrelle comme je lui en ai vue une. Un instant !… non. N’oubliez pas mes recommandations. Paris, d’abord, ou peut-être les Pyrénées. Paris, ce sera pour le retour. Elle goûtera les Pyrénées et il n’est pas encore trop tard pour trouver du monde à Luchon et à Cauterets. Elle aime la montagne et est excellente écuyère. En tout cas, on trouve des mules à son