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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

avides sur un homme très connu lui apprirent qu’Alvan, en dehors de sa haute situation politique, jouissait d’une réputation de parfait convive, mais ne lui fournirent aucune indication sur sa mine : sans doute, dans une ville où l’on pouvait journellement le rencontrer, ne songeait-on point à décrire sa personne, et Clotilde ne chercha pas trop à élucider la question, car piquée d’entendre sans cesse célébrer le génie d’Alvan, elle souhaitait conserver des traits déplaisants à l’image qu’elle s’était faite de lui. Sa bravoure était aussi notoire que ses talents, et il en avait donné naguère une preuve frappante à la ville. Il défendait les idées chères à Clotilde et leur gagnait des multitudes d’adeptes. Causeur, écrivain, orateur, il était de plus savant, tandis qu’elle ne pouvait se targuer de savoir, ni d’éloquence. Elle bavardait de façon exquise, souvent piquante, attendant de son imagination des trouvailles qui ne sortaient pas des livres, et de son aimable impudence une plus sûre originalité. Mais pour la première fois, un solide savoir lui inspirait du respect. D’émérites professeurs de droit ou d’histoire témoignaient pour Alvan du même enthousiasme que le comte Kollin. Dans le monde littéraire et artistique qui raffolait de lui, il était l’objet de toutes les conversations familières ; on rappelait ses talents de causeur, on célébrait ses déjeuners et ses soupers, sa franche ambition, son indomptable énergie, son intrépidité et son empire sur les femmes ; on se disait le nom d’une baronne férue d’amour pour lui, sans jamais songer à le blâmer. Il avait, au contraire, affirmé sa valeur chevaleresque en se faisant le champion de la dame. Bas-bleu affirmé et déjà loin de sa