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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/40

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

quet, et son héros se tourna vers la jeune fille qu’il regarda en face. Leurs regards fulgurants se croisèrent sans faiblir. Yeux braves de part et d’autre, ceux de l’homme fixés sur une belle créature et elle armée de tout son courage pour affronter cette crise.

Sur un signe, les deux acolytes s’éloignèrent. Et lui, agenouillé sur le sofa, se pencha vers Clotilde, les mains jointes.

— C’est vous ? Est-ce donc par une contradiction de votre part que débutera notre intimité ?

— Après l’apparition de son père, Hamlet est fou, balbutia Clotilde en cherchant son hôtesse du regard, car sa folle audace faisait soudain place à une terreur panique.

— Qu’avons-nous besoin de présentation ? reprit l’autre. Nous nous connaissons. Je suis Alvan et vous êtes celle dont m’a parlé Kollin. Comment s’y méprendre ? Lucrèce la blonde ; le serpent à crête d’or, sage de toute une atavique sagesse ; Aurore sortant des nues ; en un mot, Clotilde !

Le cœur de la jeune fille bondit, à entendre son nom ainsi prononcé. Elle rit, le visage radieux. Que cet homme fût Alvan, qu’il la connût et dît son nom, cela lui faisait l’effet de l’heureuse solution d’une énigme. Il fit le tour du sofa et vint à elle, en s’inclinant, la main ouverte. Elle lui tendit la sienne. Elle aurait dit, s’il le lui eût demandé : « Pour toujours ! » Et il semblait qu’elle la donnât pour toujours, en effet.