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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/67

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

Les jours suivants, elle eut la terreur de rencontrer Alvan, de l’apercevoir, d’entendre parler de lui. Elle redoutait jusqu’au bruit d’un nom qui retentissait si loin dans le monde. Elle n’avait pourtant pas de motif immédiat d’inquiétude, car ses parents avaient différé leur voyage, mais c’était l’impétuosité d’Alvan et sa royale assurance qui l’épouvantaient, comme l’attente d’un coup de feu épouvante les nerveux. Faute pourtant de le rencontrer, de l’apercevoir ou même d’entendre parler de lui, elle se remit à soupirer, comme l’enfant que sa curiosité incite à toucher l’objet qui l’a d’abord terrifié. Son désir s’exaspéra ; l’illusion de son courage lui revint ; elle espéra qu’Alvan allait se présenter pour demander sa main, s’étonna qu’il ne vînt pas, lui en voulut de cette négligence ; elle lui eût, pour un peu, reproché de s’être arrêté aux hésitations d’une fille absurde et si différente de ce qu’elle était en réalité, d’une pauvre fille mal préparée à la vie et seulement soucieuse d’épargner aux siens un coup trop soudain. Elle n’avait agi, en toute générosité, que par égards pour eux, et Alvan aurait dû comprendre que celle qu’il traitait d’enfant eût consenti, sur sa prière, à fuir avec lui. Sa considération même pour lui était, somme toute, cause aussi d’une apparente lâcheté. C’eût été à lui de s’en aviser et de la contraindre à moins de prévoyance. Il aurait dû la sentir capable de bravoure et comprendre qu’elle était digne de lui. Et s’il pouvait, faute de connaissance assez approfondie, la taxer de faiblesse, l’amour eût dû mieux l’éclairer.

Mais était-ce bien de l’amour qu’il éprouvait ? La foi recouvrée en sa ferme volonté évoquait à