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Page:Meredith - Les Comédiens tragiques, 1926.djvu/89

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LES COMÉDIENS TRAGIQUES

tient ligoté. Ceci entre nous deux. Songez seulement à notre défi au monde et fiez-vous à moi ; prenez ma main et jetons-nous dans la mêlée. Dans ce combat-là, c’est moi le meilleur combattant. Fiez-vous à moi et tous les obstacles tomberont. Fuir, c’est résoudre le problème.

— C’est vrai ; c’est vrai ! Je me sens plus de courage, maintenant ! fit Clotilde.

Les yeux d’Alvan se dilatèrent et pesèrent sur elle de toute son attention pensive.

— Mettez donc votre courage à l’épreuve, pendant que vous y croyez.

— Comment se fait-il que tout de monde me croie brave, sauf vous ? gémit Clotilde.

— Parce que je possède une pierre de touche pour reconnaître la vérité. Je suis votre réalité ; tous les autres sont des fantômes. Aux autres vous pouvez en imposer, pas à moi. De courage pour un plongeon, vous en êtes capable, et ce sera le salut pour vous. Fuyons vers le sud, vers l’Italie, et le combat qui viendra, c’est moi qui le soutiendrai ; vous n’y prendrez aucune part. Mais la lutte quotidienne et domestique, seule, loin de moi que vous entendrez calomnier, vous sentez-vous de taille à la soutenir ? Non, rendez-vous mieux compte de ce que vous valez : jetez les dés au nom de l’amour, et partons demain.

— Alors, fit Clotilde avec une malice démoniaque, vous ne vous croyez pas de force à me conquérir sans scandale ?

— Aidez-moi et j’y parviendrai, fit-il sur un ton d’inhabituelle humilité, comme si son orgueil eût soudain fléchi.

Clotilde laissa tomber sa main, dont il se saisit.