Page:Merezhkovsky - Tolstoï et Dostoïevski, la personne et l’œuvre.djvu/14

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le vitriol et le sucre », il s’appliquait à l’étude de ces produits et quand il croyait avoir décomposé l’âme d’un Cervantès, d’un Rabelais, d’un Michel-Ange et en avoir précipité les éléments au fond de sa cornue psychologique, relevait fièrement la tête et, les manches retroussées, promenait sur l’assistance un regard de triomphe.

Taine n’avait devant les yeux qu’un but : l’histoire, la philosophie de l’histoire. Pour cette étude, passionnante entre toutes, il demanda à la littérature des matériaux qu’elle lui livra en abondance. Tous se mirent à la besogne. Les plus empressés furent les critiques, qui, depuis quelque temps déjà, manifestaient un scepticisme croissant à l’égard de leur mission spéciale. Heureux de pouvoir, en s’en acquittant, être enfin utiles à quelque chose et même à une très belle chose, ils acceptèrent avec enthousiasme le rôle que leur offrait un maître séduisant : un rôle de préparateur dans son grand laboratoire de psychologie historique. Ils ne mirent aucune répugnance à ceindre un tablier que les railleurs comparent volontiers au tablier du concierge, étant donné l’empressement de ces auxiliaires à recueillir les racontars, les propos surpris, à épier les allées et venues, les secrets, les faiblesses de ceux dont ils s’occupent et à en faire un ragoût qu’ils s’offrent les uns aux autres avant d’en régaler le public.