Page:Merezhkovsky - Tolstoï et Dostoïevski, la personne et l’œuvre.djvu/19

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çaise, comment les génies littéraires forment, à leur tour, le génie national. Et il a, après d’autres, invité les hommes à honorer et à aimer les initiateurs, les héros de la poésie et de la langue, les héros du Verbe, comme on dit aujourd’hui. Mais une parole fugitive ne peut pas enflammer un sentiment au cœur d’une société entière, surtout si, dans cette société, la matière inflammable ne s’est pas encore accumulée. L’intérêt de plus en plus vivant que la critique, opérant, en quelque sorte, sur la chair vive de ceux qu’elle étudie, a éveillé pour les êtres représentatifs, cet intérêt a fourni de nos jours cette matière inflammable. Et voici qu’en France même l’étincelle apportée par Emerson et par Carlyle, recueillie par quelques esprits français délicats et vibrants, a commencé à propager un feu qui, nous le croyons, ne s’arrêtera pas. Sans qu’ils se doutent souvent de sa provenance, les meilleurs, parmi ceux qui pensent et qui sentent pour tous, ont été gagnés par ce feu. Il est encore avivé par le vent d’individualisme qui s’est levé au même moment. Ce vent a pu d’abord paraître desséchant, mais il s’est trouvé vivifiant, au contraire, et nécessaire, comme tout autre phénomène général, à l’œuvre de vie qui s’accomplit au sein de l’humanité. Avec Emerson, célébrant les hommes représentatifs, avec Carlyle, enseignant le culte des héros, nous nous sommes mis à exalter non point