Aller au contenu

Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous ne m’aviez pas dit que vous vous nommiez Camille ?…

— Camille ?… Je m’appelle Marthe, mon bon monsieur… Marthe Micheli, dit la vieille, affectant d’être fort surprise de la question.

— Eh bien ! soit ; vous vous faites appeler Marthe par les hommes ; mais c’est sous le nom de Camille que vous connaissent les esprits.

— Les esprits !… Doux Jésus ! que voulez-vous dire ? Elle fit un grand signe de croix.

— Allons, point de feintises avec moi ; je n’en dirai rien à personne, et tout ceci est entre nous. Quelle est la dame qui prend tant intérêt à ma santé ?

— La dame qui ?…

— Allons, ne répétez pas tout ce que je dis, et parlez franchement. Foi de gentilhomme ! je ne vous trahirai pas.

— En vérité, mon bon monsieur, je ne sais ce que vous voulez dire.

Mergy ne put s’empêcher de rire de la voir prendre un air étonné et mettre la main sur son cœur. Il tira une pièce d’or de sa bourse, pendue au chevet de son lit, et la présenta à la vieille.

— Tenez, bonne Camille, vous prenez tant de soin de moi, et vous vous donnez tant de peine à frotter des épées avec du baume de scorpions, le tout pour me guérir, qu’en vérité il y a longtemps que j’aurais dû vous faire un cadeau.

— Hélas ! mon gentilhomme, en vérité, en vérité, je ne comprends rien à ce que vous me dites.

— Morbleu ! Marthe, ou bien Camille, ne me mettez pas en colère, et répondez ! Quelle est la dame pour qui vous avez fait toute cette belle sorcellerie la nuit passée ?

— Ah ! mon doux Sauveur, il se met en colère… Est-ce qu’il aurait le délire ?

Mergy, impatienté, saisit son oreiller et le lui jeta à la