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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/268

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très-vive curiosité Chaverny et sa femme, et l’une d’elles s’écria : — Est-il possible !

La voiture du duc parut ; il salua madame de Chaverny en lui renouvelant avec chaleur tous ses remercîments pour sa complaisance. Cependant Chaverny voulait reconduire la dame inconnue jusqu’à la voiture du duc, et Julie et Châteaufort restèrent seuls un instant.

— Quelle est donc cette femme ? demanda Julie.

— Je ne dois pas vous le dire… car cela est bien extraordinaire !

— Comment ?

— Au reste, toutes les personnes qui vous connaissent sauront bien à quoi s’en tenir… Mais Chaverny !… Je ne l’aurais jamais cru.

— Mais enfin qu’est-ce donc ? Parlez, au nom du ciel ! Quelle est cette femme ?

Chaverny revenait. Châteaufort répondit à voix basse : — La maîtresse du duc de H***, madame Mélanie R***. — Bon Dieu ! s’écria Julie en regardant Châteaufort d’un air stupéfait, cela est impossible !

Châteaufort haussa les épaules, et, en la conduisant à sa voiture, il ajouta : C’est ce que disaient ces dames que nous avons rencontrées sur l’escalier. Pour l’autre, c’est une personne comme il faut dans son genre. Il lui faut des soins, des égards… Elle a même un mari.

— Chère amie, dit Chaverny d’un ton joyeux, vous n’avez pas besoin de moi pour vous reconduire. Bonne nuit. Je vais souper chez le duc.

Julie ne répondit rien.

— Châteaufort, poursuivit Chaverny, voulez-vous venir avec moi chez le duc ? Vous êtes invité, on vient de me le dire. On vous a remarqué. Vous avez plu, bon sujet !

Châteaufort remercia froidement. Il salua madame de Chaverny, qui mordait son mouchoir avec rage lorsque la voiture partit.