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Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/276

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P… elle vit dans la cour de madame Lambert une voiture dont on dételait les chevaux, ce qui annonçait une visite qui devait se prolonger. Impossible, par conséquent, d’entamer la discussion de ses griefs contre M. de Chaverny.

Madame Lambert, lorsque Julie entra dans le salon, était avec une femme que Julie avait rencontrée dans le monde, mais qu’elle connaissait à peine de nom. Elle dut faire un effort sur elle-même pour cacher l’expression du mécontentement qu’elle éprouvait d’avoir fait inutilement le voyage de P…

— Eh ! bonjour donc, chère belle ! s’écria madame Lambert en l’embrassant ; que je suis contente de voir que vous ne m’avez pas oubliée ! Vous ne pouviez venir plus à propos, car j’attends aujourd’hui je ne sais combien de gens qui vous aiment à la folie.

Julie répondit d’un air un peu contraint qu’elle avait cru trouver madame Lambert toute seule.

— Ils vont être ravis de vous voir, reprit madame Lambert. Ma maison est si triste depuis le mariage de ma fille, que je suis trop heureuse quand mes amis veulent bien s’y donner rendez-vous. Mais, chère enfant, qu’avez-vous fait de vos belles couleurs ? Je vous trouve toute pâle aujourd’hui.

Julie inventa un petit mensonge : la longueur de la route… la poussière… le soleil…

— J’ai précisément aujourd’hui à dîner un de vos adorateurs, à qui je vais faire une agréable surprise, M. de Châteaufort, et probablement son fidèle Achate, le commandant Perrin.

— J’ai eu le plaisir de recevoir dernièrement le commandant Perrin, dit Julie en rougissant un peu, car elle pensait à Châteaufort.

— J’ai aussi M. de Saint-Léger. Il faut absolument qu’il organise ici une soirée de proverbes pour le mois prochain ; et vous y jouerez un rôle, mon ange ; vous étiez