Aller au contenu

Page:Merimee - Chronique du regne de Charles IX, La Double meprise, La Guzla, Charpentier 1873.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenait toujours debout devant madame de Chaverny. Elle fit une place à côté d’elle sur le canapé où elle était assise, et l’offrit à Darcy, qui se trouva de la sorte auprès de Julie. Il s’empressa de profiter de cette position avantageuse, en commençant avec elle une conversation suivie.

Pourtant il eut à subir de madame Lambert et de quelques autres personnes un interrogatoire en règle sur ses voyages ; mais il s’en tira assez laconiquement, et il saisissait toutes les occasions de reprendre son espèce d’aparté avec madame de Chaverny. — Prenez le bras de madame de Chaverny, dit madame Lambert à Darcy au moment où la cloche du château annonça le dîner. Châteaufort se mordit les lèvres, mais il trouva moyen de se placer à table assez près de Julie pour bien l’observer.

IX.

Après le dîner, la soirée étant belle et le temps chaud, on se réunit dans le jardin autour d’une table rustique pour prendre le café.

Châteaufort avait remarqué avec un dépit croissant les attentions de Darcy pour madame de Chaverny. À mesure qu’il observait l’intérêt qu’elle paraissait prendre à la conversation du nouveau venu, il devenait moins aimable lui-même, et la jalousie qu’il ressentait n’avait d’autre effet que de lui ôter ses moyens de plaire. Il se promenait sur la terrasse où l’on était assis, ne pouvant rester en place, suivant l’ordinaire des gens inquiets, regardant souvent de gros nuages noirs qui se formaient à l’horizon et annonçaient un orage, plus souvent encore son rival, qui causait à voix basse avec Julie. Tantôt il la voyait sourire, tantôt elle devenait sérieuse, tantôt elle baissait les yeux timidement ; enfin il voyait que Darcy ne pouvait pas lui dire un mot qui ne produisît un effet marqué ; et ce qui le chagrinait