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L’ÉLOQUENCE SOUS L’EMPIRE

cembre 1805. il lançait le décret de déchéance, et, en janvier 1806, Joseph-Napoléon régnait sur le trône de Naples[1].

Cette simultanéité de la parole et de l’action assure un intérêt dramatique à tout ce que pense et écrit l’Empereur. Tel est le caractère de sa Correspondance véritablement unique, tant par la valeur de l’écrivain et sa situation prodigieuse que par le privilège exceptionnel de dire tout ce qu’il veut. Elle nous découvre les plis et replis d’un génie qui eut le monde à ses pieds. Il est là, devant nous, dans la plénitude de son omnipotence, appliquant au tourbillon des affaires l’ubiquité d’un regard perçant qui fit miracle dans ce qui pouvait se prévoir, et plus encore dans l’imprévu. À la science du détail s’unit en lui la conception de l’ensemble. En donnant l’ordre, il prescrit tous les moyens de l’accomplir, devine les obstacles, et indique d’avance les ressources qui doivent y parer. Cette série vertigineuse de dépêches et d’instructions, nous la parcourons avec une ardeur égale à sa dévorante activité, pour laquelle le temps et l’espace n’existent plus. En face de ce monument, personne du moins ne contestera que le meilleur historien de l’Empire soit encore l’Empereur.

  1. Napoléon ignora trop l’art de ménager les hommes. César s’y entendait mieux que lui.