Aller au contenu

Page:Merrill - Poèmes, 1887-1897, 1897.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Bientôt ses sœurs, la brune, la blonde et la rousse,
S’en vont, ayant eu peur de l’eau qui les mirait.
Seule, celle-ci reste, ainsi qu’une qu’attrait

Le mystère des fontaines. Et sur la mousse
Ses immobiles mains sont comme mortes, tant
Le poids léger des seins les lasse maintenant.

L’ombre s’allonge au fur de la chute des heures,
Et la cloche du soir appelle en le vallon
Les filles pour la danse au son du violon.

Seule celle-ci reste au bois, loin des demeures.
Et sa voix peu à peu s’élève en la chanson
De l’amante perdue au jour de la moisson.

Puis, grave, elle s’est tue. Et quand au pâturage
Les clarines des bœufs ont cessé lentement
De tinter, la folle qui ne veut pas d’amant

S’est inclinée enfin vers son propre mirage,
Et tremblant à l’abri murmurant d’un bouleau,
Elle a baisé sa bouche irréelle dans l’eau.