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Page:Merrill - Poèmes, 1887-1897, 1897.djvu/240

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J’arracherai de tes seins les bandelettes qui les brident
Et je déchirerai ta robe toute brodée de chimères
Qui cache ton corps en fleurs à mes baisers avides.

Et sur les âpres rochers où vient mourir la mer
Je te crierai : Tu es à moi, je suis à toi, déesse !
L’heure est celle, solennelle, qui fiancera nos chairs.

Dans ta bouche rouge j’étoufferai le cri de ta détresse,
Tes bras nus seront sans force contre ma bestiale étreinte,
Tes cuisses ne pourront clore ta rose à mes caresses.

Je suis l’Épouvante qui vient la nuit, sous la feinte
De l’Amour, violer les vierges froides dans leurs couches
Affaissées, le matin, sous une double empreinte.

Ouvre donc le collier de tes bras, donne ta bouche,
Et laisse éclore la fleur suprême de toi-même
Au Dieu dont les doigts sont fous et les yeux louches.

Des tonnerres, semble-t-il, meurent sur la mer extrême.
Des fruits d’or éclatent comme des flammes dans les vergers,
Les astres s’éparpillent sous une main qui les sème.