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Page:Meschinot - Les Lunettes des Princes.djvu/27

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Davantaige fortune nous court sure,
Dont maintes fois le peuple en vain labeure,
Car ce qu’ilz ont à grant peine amassé
Par si long temps se pert en bien peu d’heure,
Et tant souvent que rien ne leur demeure,
Soit en avoir, en argent, ou en blé :
Ils perdent l’ung, l’autre leur est emblé ;
Aucunes fois à plusieurs a semblé
Que Dieu leur nuyst et point ne les sequeure ;
Les ungs de froit ont maintes fois tremblé,
Aultres par fain ont les mors ressemblé.
Voyant cecy, ay je tort se je pleure?

Les grans pillent leurs moyens et plus bas,
Les moyens font aux moindres maintz cabas,
Et les petits s’entre veulent destruire ;
Telz qui n’ont pas vaillans deux meschans bas
Voit-on souvent avoir mille debatz,
Aulcunes fois se navrer et occire.

Ainsi par l'ung l'autre souvent mal tire,
Et d'eulx mesmes se procurent martyre.
Il fut assez d'aultres plus beaulx esbatz.
O Dieu, qui es nostre vray pere et sire,
Nostre fait va huy mal et demain pire,
Quant de telles afflictions nous batz.