Mais, dira-t-on, Dieu est le maître absolu de ses graces & de ses bienfaits, il peut les accorder à qui bon lui semble, sans qu’on ait droit de s’en plaindre ni de l’accuser d’injustice. Cette raison est vaine ; car Dieu, l’auteur de la nature, le père de tous les hommes, doit également les aimer tous, comme ses propres ouvrages ; & par conséquent, il doit également être leur protecteur, & leur bienfaiteur ; car celui qui donne l’être, doit donner les suites & les conséquences nécessaires pour le bien-être ; si ce n’est que nos Christicoles veuillent dire, que leur Dieu voudroit faire exprès des créatures pour les rendre misérables, ce qu’il seroit certainement indigne de penser d’un Être infiniment bon.
De plus, si tous les prétendus miracles, tant du vieux que du nouveau Testament, étoient véritables, on pourroit dire que Dieu auroit eu plus de soin de pourvoir au moindre bien des hommes qu’à leur plus grand & principal bien ; qu’il auroit voulu plus sévérement punir dans de certaines personnes, des fautes légères, qu’il n’auroit puni dans d’autres de très-grands crimes ; & enfin qu’il n’auroit pas voulu se montrer si bienfaisant dans les plus pressans besoins que dans les moindres. C’est ce qu’il est facile de faire voir, tant par les miracles qu’on prétend qu’il a faits, que par ceux qu’il n’a pas faits, & qu’il auroit néanmoins plutôt faits qu’aucun autre, s’il étoit vrai qu’il en eût fait. Par exemple, dire que Dieu auroit eu la complaisance d’envoyer un Ange pour consoler & secourir une simple servante, pendant qu’il auroit laissé & qu’il laisse encore tous les jours languir & mourir de misère une infinité d’innocens : qu’il auroit conservé miraculeusement pendant quarante ans les habillemens & les chaussures d’un