Page:Meslier - Testament, 1762.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tromperie et l’injustice que vous fait Laban vôtre beau-père ; levez-vous donc maintenant ; sortez de ce pays-ci, & retournez dans le vôtre. » Comme il s’en retournoit avec toute sa famille, & avec ce qu’il avoit gagné chez son beau-père, il eut, dit l’histoire, en rencontre pendant la nuit un homme inconnu, contre lequel il lui fallut combattre toute la nuit jusqu’au point du jour ; & cet homme ne l’ayant pu vaincre, il lui demanda qui il étoit. Jacob lui dit son nom : « Vous ne serez plus appelé Jacob, mais Israël, car puisque vous avez été fort en combattant contre Dieu, à plus forte raison serez-vous fort en combattant contre les hommes. » Gen. 32. 25. 28.

Voilà quelles furent en partie les premiéres de ces prétendues visions & révélations divines. Il ne faut pas juger autrement des autres que de celles-ci. Or quelle apparence de divinité y a-t-il dans des songes si grossiers & dans des illusions si vaines ? Si quelques personnes venoient maintenant nous conter de pareilles sornettes, & les crussent pour de véritables révélations divines ; comme, par exemple, si quelques étrangers, quelques Allemands venus dans notre France, & qui auroient vu toutes les plus belles Provinces du Royaume, venoient à dire que Dieu leur seroit apparu dans leur pays, qu’il leur auroit dit de venir en France, & qu’il leur donneroit à eux & à tous leurs descendans, toutes les belles Terres, Seigneuries, & Provinces de ce Royaume, qui sont depuis les fleuves du Rhin & du Rhône, jusqu’à la mer Océane ; qu’il feroit une éternelle alliance avec eux, qu’il multiplieroit leur race, qu’il rendroit leur postérité aussi nombreuse que les étoiles du Ciel & que les grains de sable de la mer &c. qui ne riroit de telles sottises, & qui ne regarderoit