Page:Meslier - Testament, 1762.djvu/57

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que les Dieux fussent sans corps ni sentimens ; ils croyoient qu’ils en avoient aussi-bien que les hommes. Pourquoi n’y en auroit-il point eu de mâle & de femelle ? On ne voit point qu’il y ait plus de raison de nier ou de reconnoître plutôt l’un que l’autre ; & en supposant des Dieux & des Déesses, pourquoi n’engendreroient-ils pas en la manière ordinaire ? Il n’y auroit certainement rien de ridicule ni d’absurde dans cette doctrine, s’il étoit vrai que leurs Dieux existassent.

Mais dans la doctrine de nos Christicoles, il y a quelque chose de bien plus ridicule & de plus absurde ; car outre ce qu’ils disent d’un Dieu qui en fait trois, & de trois qui n’en font qu’un, ils disent que ce dieu triple & unique, n’a ni corps, ni forme, ni figure ; que la premiére personne de ce dieu triple & unique, qu’ils appellent le Père, a engendré toute seule une seconde personne qu’ils appellent le Fils, & qui est tout semblable à son Père, étant comme lui sans corps, sans forme & sans figure. Si cela est, qu’est-ce qui fait que la premiére s’appelle le Père plutôt que la mère ? & que la seconde se nomme plutôt le fils que la fille ? car si la premiére est véritablement plutôt père que mère, & si la seconde est plutôt fils que fille, il faut nécessairement qu’il y ait quelque chose dans l’une & dans l’autre de ces deux personnes, qui fasse que l’un soit père plutôt que mère, & l’autre plutôt fils que fille. Or qui pourroit faire cela, si ce n’est qu’ils seroient tous deux mâles & non femelles ? Mais comment seront-elles plutôt mâles que femelles, puisqu’elles n’ont ni corps, ni forme, ni figure ? Cela n’est pas imaginable& se détruit de soi-même. N’importe, ils disent toujours que ces deux personnes sans corps, forme ni fi-