Page:Meslier - Testament, 1762.djvu/6

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fois ne me suis-je point acquitté gratuitement des fonctions de mon ministère ? Combien de fois aussi ma tendresse n’a-t-elle pas été affligée de ne pouvoir vous secourir aussi souvent & aussi abondamment que je l’aurois souhaité ? Ne vous ai-je pas toujours prouvé que je prenois plus de plaisir à donner qu’à recevoir ? J’ai évité avec soin de vous exhorter à la bigoterie ; & je ne vous ai parlé qu’aussi rarement qu’il m’a été possible de nos malheureux dogmes. Il faloit bien que je m’acquittasse, comme Curé, de mon ministère. Mais aussi combien n’ai-je pas souffert en moi-même lorsque j’ai été forcé de vous prêcher ces pieux mensonges que je détestois dans le cœur ? Quel mépris n’avois-je pas pour mon ministère, & particulièrement pour cette superstitieuse messe, & ces ridicules administrations de sacremens, surtout lorsqu’il falloit les faire avec cette solemnité qui attiroit votre piété & toute votre bonne foi ? Que de remors ne m’a point excité votre crédulité ? Mille fois sur le point d’éclater publiquement, j’allois dessiller vos yeux, mais une crainte supérieure à mes forces me contenoit soudain, & m’a forcé au silence jusqu’à ma mort.