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& rendirent le même hommage à la vérité.
D’après des démarches aussi authentiques, M. Paradis crut devoir exprimer sa reconnoissance en la transmettant, par ses écrits, à toute l’Europe. C’est lui qui, dans le temps, a consacré dans les feuilles publiques, les détails[1] intéressans de la guérison de sa fille.
Du nombre des Médecins qui etoient
- ↑ Voici, pour la satisfaction du lecteur, le Précis historique de cette cure singulière ; il a été fidèlement extrait de la relation écrite en langue allemande, par le Père lui-même.
Marie-Thérèse Paradis, fille unique de M. Paradis, Secrétaire de LL.MM.II. & RR. est née à Vienne le 15 mai 1759 : elle avoit les yeux bien organisés.
Le 9 décembre 1762, on s’apperçut à son réveil qu’elle n’y voyoit plus ; ses parens furent autant plus surpris & affligés de cet accident subit, que depuis sa naissance, rien n’avoit annoncé de l’altération dans cet organe.
On reconnut que c’étoit une goutte-sereine parfaite, dont la cause pouvoit être une humeur rèpercutée, ou une frayeur dont cet enfant pouvoit avoir été frappé la même nuit, par un bruit qui se fit à la porte de sa chambre.
Les parens désolés, employèrent d’abord les moyens qui furent jugés les plus propres à remédier à cet accident, tels que les vésicatoires, les sangsues & les cautères.
Le premier de ces moyens fut même porté fort loin, puisque pendans plus de deux mois sa tête fut couverte d’un emplâtre, qui entretenoit une suppuration continuelle. On y joignit pendant plusieurs années les purgatifs & apéritifs, l’usage de la plante pulsatille & de la racine valériane. Ces différens moyens n’eurent aucuns succès ; son état même étoit aggravé de convulsions dans les yeux & les paupières, qui, en se portant vers le cerveau, donnoient lieu à des transports qui faisoient craindre l’aliénation d’esprit. Ses yeux devinrent saillans, & ils étoient tellement déplacés, qu’on n’appercevoit le plus souvent que le blanc ; ce qui, joint à la convulsion, rendoit son aspect désagréable & pénible à supporter. On eut recours, l’année dernière, à l’électricité, qui lui a été administrée sur les yeux, par plus de trois mille secousses ; elle en éprouvoit jusqu’à cent par séance. Ce dernier moyen lui a été funeste, & il a tellement ajouté à son irritabilité & à ses convulsions, qu’on n’a pu la préserver d’accident que par des saignées réitérées.
M. le Baron de Wenzel, dans son dernier séjour à Vienne, fut chargé de la part de S.M. de l’examiner & de lui donner des secours, s’il etoit possible ; il dit après cet examen, qu’il la croyoit incurable.
Malgré cet état & les douleurs qui l’accompagnoient, ses parens ne négligèrent rien pour son éducation & la distraire de ses souffrances : elle avoit fait de grands progrès dans la musique ; & son talent sur l’orgue & le clavecin, lui procura l’heureux avantage d’être connue de l’Impératrice-Reine. Sa Majesté, touché de son malheureux état, a bien voulu lui accorder une pension.
Le docteur Mesmer, Médecin, connu depuis quelques années par la découverte du Magnétisme animal, & qui avoit été témoin des premiers traitemens qui lui avoient été faits dans son enfance, observoit depuis quelque temps cette malade avec une attention particulière, toutes les fois qu’il avoit occasion de la rencontrer ; il s’informoit des circonstances qui avoient accompagné cette maladie, & des moyens dont on s’étoit servi pour la traiter jusqu’alors. Ce qu’il jugeoit le plus contraire, & qui paroissoit l’inquiéter, fut la manière dont on avoit fait usage de l’électricité.
Nonobstant le degré où cette maladie étoit parvenue, il fit espérer à la famille qu’il feroit reprendre aux yeux leur position naturelle, en appaisant les convulsions & calmant les douleurs ; & quoiqu’on ait su par la suite qu’il avoit dés-lors conçu l’espérance de lui rendre la faculté de voir, il ne la témoigna point aux parents, auxquels une expérience malheureuse & des contrariétés soutenues, avoient fait former la résolution de ne plus faire aucune tentative pour une guérison qu’ils regardoient comme impossible.
M. Mesmer a commencé son traitement le 20 janvier dernier : ses premiers effets ont été de la chaleur & de la rougeur à la tête ; elle avoit ensuite du tremblement aux jambes & aux bras ; elle éprouvoit à la nuque un léger tiraillement, qui portoit sa tête en arrière, & qui, en augmentant successivement, ajoutoit à l’ébranlement convulsif des yeux.
Le second jour du traitement, M. Mesmer produisit un effet qui surprit beaucoup les personnes qui en furent témoins : étant assis à côté de la malade, il dirigeoit sa canne vers sa figure représentée par une glace, & en même temps qu’il agitoit cette canne, la tête de la malade en suivoit les mouvemens ; cette sensation étoit si forte, qu’elle annonçoit elle-ême les différentes variations du mouvement de la canne. On s’apperçut bientôt, que l’agitation des yeux s’augmentoit & diminuoit alternativement, d’une manière très-sensible ; leurs mouvemens multipliés en dehors & en dedans, étoient quelquefois suivis d’un entière tranquilité ; elle fut absolue dès le quatrième jour, & les yeux prirent leur situation naturelle : ce qui donna lieu de remarquer que le gauche étoit plus petit que le droit ; mais en continuant le traitement, ils s’égalisèrent parfaitement.
Le tremblement des membres cessa peu de jours après ; mais elle éprouvoit à l’occiput une douleur qui pénétroit la tête, & augmentoit en s’insinuant en avant : lorsqu’elle parvint à la partie où s’unissent les nerfs optiques, il lui sembla pendant deux jours que sa tête se divisoit en deux parties. Cette douleur suivit les nerfs optiques, en se divisant comme eux ; elle la définissoit comme des piquûres de pointes d’aiguilles, qui, en s’avançant successivement vers les globes, parvinrent à les pénétrer & à s’y multiplier en se répandant dans la rétine. Ces sensations étoient souvent accompagnées de secousses.
L’odorat de la malade étoit altéré depuis plusieurs années, & la sécrétion du mucus ne se faisoit pas. Son traitement lui fit éprouver un gonflement intérieur du nez & des parties voisines, qui se détermina dans huit jours, par une évacuation copieuse d’une matière verte & visqueuse ; elle eut en même temps une diarrhée d’une abondance extraordinaire ; les douleurs des yeux s’augmentèrent, & elle se plaignit de vertiges. M. Mermer jugea qu’ils étoient l’effet des premières impressions de la lumière ; il fit alors demeurer la malade chez lui, afin de s’assurer des précautions nécessaires.
La sensibilité de cet organe devint telle, qu’après avoir couvert ses yeux d’un triple bandeau, il fut encore forcé de la tenir dans une chambre obscure, d’autant que la moindre impression de la lumière, sur toutes les parties du corps indifféremment, l’agitoit au point de la faire tomber. La douleur qu’elle éprouvoit dans les yeux changea successivement de nature ; elle étoit d’abord générale & cuisante, ce fut ensuite une vive démangeaison, qui se termina par une sensation semblable à celle que produiroit un pinceau légèrement promené sur la rétine.
Ces effets progressifs donnèrent lieu à M. Mesmer de penser que la cure étoit assez avancée, pour donner à la malade une première idée de la lumière & de ses modifications. Il lui ôta le bandeau, en la laissant dans la chambre obscure, & l’invita à faire attention à ce qu’éprouvoient ses yeux devant lesquels il plaçoit alternativement des objets blancs & noirs ; elle expliquoit la sensation que lui occasionnoient les premiers, comme si on lui insinuoit dans le globe des pointes subtiles, dont l’éffet douloureux prenoit la direction du cerveau : cette douleur & les différentes sensations qui l’accompagnoient, augmentoient & diminuoient en raison du degré de blancheur des objets qui étoient présentés ; & M. Mesmer les faisoit cesser tout-à-fait, en leur substituant des noirs.
Par ces effets successifs & opposés, il fit connoître à la malade que la cause de ces sensations étoit externe, & qu’elles différoient en cela de celles qu’elle avoit eues jusqu’alors ; il parvint ainsi à lui faire concevoir la différence de la lumière & de sa privation, ainsi que de leur gradation. Pour continuer son instruction, M. Mesmer lui présenta les différentes couleurs ; elle observoit alors que la lumière s’insinuoit plus doucement, & lui laissoit quelque impression : elle les distingua bientôt en les comparant, mais sans pouvoir retenir leurs noms, quoiqu’elle eût une mémoire très-heureuse. À l’aspect du noir, elle disoit tristement qu’elle ne voyoit plus rien, & que cela lui rappeloit sa cécité.
Dans les premiers jours, l’impression d’un objet sur la rétine, duroit une minute après l’avoir regardé ; ensorte que pour en distinguer un autre, & ne le pas confondre avec le premier, elle étoit forcée de couvrir ses yeux pendant que duroit sa première impression.
Elle distinguoit dans une obscurité où les autres personnes voyoient difficilement ; mais elle perdit successivement cette faculté, lorsque ses yeux purent admettre plus de lumière.
Les muscles moteurs de ses yeux ne lui ayant point servi jusque-là, il a fallu lui en apprendre l’usage pour diriger les mouvements de cet organe, chercher les objets, les voir, les fixer directement, & indiquer leur situation. Cette instruction, dont on ne peut rendre les difficultés multipliées, étoit d’autant plus pénible, qu’elle étoit souvent interrompue par des accès de mélancolie, qui étoient une suite de sa maladie.
Le 9 février, M. Mermer essaya, pour la première fois, de lui faire voir des figures & des mouvemens ; il se présenta lui-même devant elle dans la chambre obscure. Elle fut effrayée en voyant la figure humaine : le nez lui parut ridicule, & pendant plusieurs jours elle ne pouvoit le regarder sans éclater de rire. Elle demanda à voir un chien qu’elle caressoit souvent ; l’aspect de cet animal lui parut plus agréable que celui de l’homme. Ne sachant pas le nom des figures, elle en désignoit exactement la forme avec le doigt. Un point d’instruction des plus difficiles, a été de lui apprendre à toucher ce qu’elle voyoit & à combiner ces deux facultés. N’ayant aucune idée de la distance, tout lui sembloit à sa portée, quel qu’en fût l’éloignement, & les objets lui paroissoient s’agrandir à mesure qu’elle s’en approchoit.
L’exercice continuel qu’elle étoit obligée de faire pour combattre sa mal-adresse, & le grand nombre de choses qu’elle avoit à apprendre, la chagrinoit quelquefois au point de lui faire regretter son état précédent ; d’autant que, lorsqu’elle étoit aveugle, on admiroit son adresse & son intelligence. Mais sa gaieté naturelle lui faisoit prendre le dessus, & les soins continués de M. Mesmer lui faisoient faire de nouveaux progrès. Elle est insesiblement parvenue à soutenir le grand jour, & à distinguer parfaitement les objets à toute distance ; rien ne lui échappoit, même dans les figures peintes en miniature, dont elle contresaisoit les traits & l’attitude. Elle avoit même le talent singulier de juger, avec une exactitude surprenante, le caractère des personnes qu’elle voyoit, par leur physionomie. La première fois qu’elle a vu le ciel étoilé, elle à témoigné de l’étonnement & de l’admiration ; & depuis ce moment, tous les objets qui lui sont présentés, comme beaux & agréables, lui paroissent très-inférieurs à l’aspect des étoiles, pour lesquelles elle témoigne une préférence & un empressement décidés.
Le grand nombre de personnes de tous les états, qui venoit le voir, a fait craindre à M. Mesmer qu’elle n’en fut excessivement fatiguée, & sa prudence l’a engagé à prendre des précautions à cet égard. Ses contradicteurs s’en son prévalus, ainsi que de la mal-adresse & de l’incapacité de la jeune personne, pour attaquer la réalité de sa guérison ; mais M. Mesmer assure que l’organe est dans sa perfection, & qu’elle en facilitera l’usage en l’exerçant avec application & persevérance.