Parmi les curiosités que nous ont léguées les siècles reculés, il en est qui méritent de fixer particulièrement l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’art. C’est des manuscrits illustrés que je veux parler, de ces monuments qui sont parvenus jusqu’à nous à travers les révolutions et les vicissitudes des temps.
J’ai toujours éprouvé une religieuse émotion à feuilleter ces antiques travaux de nos ancêtres : on est saisi d’étonnement quand on considère la richesse et surtout la patience qu’il a fallu pour écrire les pages de ces immenses in-folio, ruisselant de mille couleurs. Rien n’est plus curieux à contempler que ces gracieuses arabesques et ces lettres tourneures, enjolivées par le lapis-lazuli, le pourpre d’Orient et le carmin le plus pur; puis ces admirables miniatures où l’éclat de l’or et de l’argent le dispute à la finesse microscopique de la peinture.
Je ne sais; mais en présence de ces vieux livres, dont les peintures se rattachent si intimement au souvenir de nos anciens ducs, rois et souverains, on croit voir se dérouler vivants devant soi, les différents épisodes de leur carrière.
Ici, c’est la vue d’une forteresse gothique ou d’un donjon crénelé, le spectacle d’une lutte corps à corps : une bataille sanglante s’engage sous les murs, au bas desquels les hommes d’armes, couverts de cottes de mailles, tombent percés de flèches aiguës.